Cas

Cas 3-3 Régulation de l’activité de pêche compte tenu des restrictions sur la pêche nocturne – Cas de la régulation de la pêche le long de la côte du centre-Sud du Sénégal et de la Gambie.

Mots-clés

Pêche au poisson de surface, interdiction de pêche nocturne, arrêté préfectoral, règles inadequates, coordination menée par les pêcheurs

Contexte

Les pêcheurs du centre-sud du Sénégal et de la Gambie ont réussi à s’accorder et à ajuster la période d’interdiction des opérations de pêche nocturne en ciblant initialement differentes espèces de poissons de surface. Dans quelles circonstances cela a-t-il été rendu possible ?

Contenu

Depuis 2012, le département de Mbour en Petite-Côte a imposé des restrictions sur la pêche nocturne des bateaux ciblant les ressources de petits pélagiques, par la senne coulissante, le filet dérivant le filet maillant enclos, etc. Ces mesures visaient initialement à réguler la production pendant les périodes de capture massive de sardinelles, non pas tant pour des raisons de conservation des ressources, mais pour éviter une chute drastique des prix du poisson, ainsi que d’avoir a rejeter des prises non vendables. Ce plan d’action a été lancé à l’initiative des acteurs locaux, puis il a été soutenu par COMFISH avant de devenir une ordonnance départementale (Arrêté).

Par la suite, les pêcheurs du Sud de Dakar et de la Gambie ont convenu d’une interdiction des activités de pêche nocturne pendant cinq mois, de juillet à novembre 2022. La période et la durée de l’interdiction ont été ajustées au fil du temps après plusieurs essais et erreurs. A Joal, Mbour, la Gambie et Kafountine notamment, de grandes pirogues pêchent des petits poissons pélagiques tels que le Yaboye (Sardinelle aurita) en suivant les bancs de poissons, opérant à travers les frontières régionales et nationales.

D’autre part, la période de juin à novembre est marquée par des vents violents et parfois des pluies. En raison des conditions de mer agitée et du risque accru pendant la nuit, ainsi que de la chute des prix du poisson en cas de captures massives, les interdictions de pêche nocturne ont été mises en place dans plusieurs régions. Initialement, les périodes d’interdiction variaient d’une région à l’autre, mais les inconvénients liés à la concentration des navires de pêche dans certaines zones specifiques (où la pêche était autorisée) ont conduit à une harmonisation progressive des périodes d’interdiction dans toutes les zones maritimes concernées.

Evolution en bref :

Joal : Interdiction de la pêche nocturne pendant six mois, de juin à novembre, à partir de 2015.

Joal : Initialement opposée à une longue période d’interdiction de la pêche, elle a mis en place une interdiction de la pêche nocturne de trois mois, de juin à août 2017, puis de six mois, de juin à novembre, à partir de 2018.

Gambie : Interdiction de la pêche nocturne de six mois, de juin à novembre, à partir de 2018 (sans loi spécifique).

Kafountine : Interdiction de la pêche nocturne de huit mois, de juin à janvier, à partir de 2015 (sans loi spécifique).

Note ; À partir de 2018, au moins six mois d’interdiction de la pêche nocturne appliqués dans les régions mentionnées ci-dessus.

Les pêcheurs de Joal étaient initialement opposés à une longue période d’interdiction de la pêche nocturne. Par conséquent, en 2017, ils ont instauré une interdiction de la pêche nocturne de trois mois, de juin à août. Cependant, pendant les périodes où la pêche nocturne était interdite dans d’autres régions, il était possible de pêcher dans les eaux de Joal, ce qui a entraîné une concentration de pêcheurs d’autres régions dans les zones de pêche de Joal. Cela a provoqué des situations de surpopulation et des accidents directement causés par la pêche nocturne. De plus, une grande quantité de Yaboye (Sardinelle aurita) a été capturée dans cette région, entraînant une forte baisse des prix du poisson. Selon le personnel du Ministère de la Pêche du Sénégal, avant l’unification de la période d’interdiction de la pêche nocturne, les prix du poisson ont chuté jusqu’à 3 000 francs CFA par boîte, tandis qu’après l’unification, ils ont augmenté jusqu’à 13 000 francs CFA par boîte. Bien que de nombreux facteurs influent sur les prix du poisson, l’unification de la période d’interdiction de la pêche nocturne a également contribué à l’amélioration des prix.

Compte tenu de ces résultats, Joal a décidé en 2018 d’instaurer une interdiction de la pêche nocturne de six mois, s’alignant ainsi sur d’autres régions. La Gambie, qui n’avait pas établi de période d’interdiction de la pêche nocturne jusqu’en 2017, a connu des problèmes similaires à ceux de Joal avec l’arrivée massive de pêcheurs sénégalais dans ses eaux pendant les périodes d’interdiction de peche nocturne dans les zones voisines. Par conséquent, à partir de 2018, la Gambie a elle aussi mis en place une période d’interdiction de la pêche nocturne similaire à celle des régions voisines du Sénégal.

Selon la Direction du Departement de la Pêche de la Gambie, l’organisation des pêcheurs gambiens, PONSAFAG (Plateforme des Acteurs Non-Étatiques de la Pêche et l’Aquaculture de la Gambie), a coordonné avec l’UNAPAS du Sénégal (Union Nationale des Pêcheurs Artisanaux de Senegal) et le réseau national CLPA l’ajustement des périodes d’interdiction de la pêche. Les membres du PONSAFAG etant en communication permamente via WhatsApp, les accords conclus avec le Sénégal ont rapidement ete partagés avec l’ensemble des membres du PONSAFAG. La période d’interdiction de la pêche en 2022 a été fixée à cinq mois car le mois de la Tabaski en 2022 était en juin, et l’on se devait de repondre à la demande des pêcheurs sénégalais de garantir leurs revenus iisus de la pêche avant la Tabaski.

Il est à noter que ces ajustements ont été réalisés grâce à des discussions dirigées par les représentants des pêcheurs de ces organisations. Les autorités ont ensuite promulgué ces accords comme lois officielles, leur donnant ainsi une base légale, mais l’initiative ainsi que la direction de ces ajustements sont restées sous le controle des représentants des pêcheurs. De plus, ces ajustements continuent d’être adaptés en fonction de la réalité sur le terrain grâce à un dialogue continu entre les représentants des pêcheurs.

Savoir acquis

Les restrictions de la pêche visant les petits poissons pélagiques ont été initialement mises en place pour éviter la concentration de la pêche pendant les périodes de migration des ressources, ce qui entraînait une chute des prix du poisson et le rejet de prises non vendables. Bien que cette initiative ait été lancée pour résoudre les problèmes liés à la gestion des ressources et à la durabilité de l’activité des pêcheurs, elle a également contribué à prévenir le gaspillage des ressources de petits poissons pélagiques et à favoriser leur exploitation durable.

Pour ce qui est de la pêche en accès libre, il est souvent difficile d’harmoniser et d’unifier les règles de pêche entre différentes régions. Cependant, dans certains contextes, cela peut s’avérer possible. Dans le cas de Joal, des problèmes tels que l’augmentation des accidents en mer et la baisse des prix du poisson ont été observés, la où des réglementations de pêche plus flexibles (interdictions de courte durée de la pêche nocturne) avaient été initialement instaurées par rapport à d’autres régions. Les pêcheurs ont ainsi pris conscience des inconvénients des règles non harmonisées, ce qui a conduit à un ajustement plus global de ces règles.

Les pêcheurs se déplacent régulièrement à travers les eaux de la Gambie et du Sénégal, et de nombreux pêcheurs sénégalais se sont établis en Gambie. De plus, la communication est possible grâce à une langue commune. Ce contexte culturel et social similaire a contribué à permettre une régulation de la pêche transfrontalière par les pêcheurs eux-mêmes, au-delà des frontières nationales.

Chapitre du guide relatif à cette étude de cas

Chapitre 3 Mise en œuvre des mesures de gestion des ressources

3.1 Mesures de gestion des ressources

3.1.1 Ajustement de l’effort de pêche

La régulation de l’activité de pêche peut être réalisée par des méthodes telles que des restrictions sur le nombre de filets de pêche à senne coulissante, des limites sur le nombre d’hameçons utilisés dans la pêche à la palangre, la réduction des heures de pêche, et l’introduction de nouvelles technologies pour disperser les ressources ciblées.

Situation à laquelle cette étude de cas pourrait se référer

Dans la région de Mbour, au Sénégal, une interdiction de la pêche nocturne ciblant les petits poissons pélagiques a été mise en place en 2012 afin de réguler la production et de prévenir une chute des prix du poisson. Pour éviter les inconvénients liés à l’afflux de pêcheurs vers les zones marines voisines où aucune période de repos n’était définie, des représentants de pêcheurs transfrontaliers ont pris l’initiative de négocier et d’ajuster les règles non harmonisées. Cet exemple peut être utilisé lorsque des discussions entre représentants de pêcheurs au-delà des frontières nationales ont abouti par nécessité.